Comment le Mash Hopping va faire exploser vos aromes ?! 🤯

Publié le , par Juls
mash hopping

Si vous êtes brasseuse ou brasseur de grosses IPA bien juteuses, il y a fort à parier que, comme moi, vous ayez rencontré tout un tas de problèmes. Oxydation, prix du houblon, Hop Burn, Hop Creep…
Sans compter la frustration d’être bien loin derrière les grandes brasseries comme Prizm ou Piggy par exemple. Oui, je sais qu’il ne faut pas se comparer, mais personnellement, je ne peux pas m’en empêcher. Et je sais qu’on est nombreux à faire la même chose 😅.
Mais revenons à notre échelle d’amateurs. Non, nous ne sommes pas des pro. CEPENDANT, il y a une technique qui peut considérablement booster nos aromatiques. En plus d’éviter une bonne partie des problèmes cités plus hauts.
Grace au Mash Hopping, mes IPA sont passés au niveau supérieur. Mes aromatiques ont fait un grand bond en avant, tout en me permettant d’utiliser moins de houblons en Dry Hop.

mash hopping

Si vous faites le lien, moins de houblons en Dry Hop implique une baisse du coût par brassin ainsi qu’un risque fortement limité d’oxydation, Hop Burn et Hop Creep. Mais du coup…

Le Mash Hopping c’est quoi ?!

Le Mash Hopping est une vieille technique de brassage rencontrant un regain de popularité ces dernières années. Historiquement, elle était utilisée dans des styles légers de lagers ou pale ale. Elle servait à délivrer en douceur de subtils et complexes aromes houblonnés sans apporter d’amertume.
Russian River Brewing, éminente brasserie américaine dont on parlera plus tard, utilise cette technique depuis le tout début des années 2000. Elle leur a permis de maximiser les aromes fruités de leurs meilleures IPA. A cette époque cependant, et jusqu’à récemment, ils étaient quasiment les seuls. L’opinion populaire étant que les forts ajouts de houblons en boil, hop stand et dry hop des IPA écrasaient totalement les « subtiles » notes du Mash Hopping.

Mais depuis, des experts comme Scott Janish ou le Dr. Christina Schönberg (Baarthhaas) sont passés par là. Puis les levuriers ont débarqués en boostant la capacité de certaines levures à biotransformer les thiols des houblons.
Aux Etats-Unis, le Mash Hopping a pris beaucoup d’ampleur depuis la fin des années 2010. Les brasseurs de Hazy IPA en sont totalement fan. Elle permet notamment, de booster considérablement les aromes de pamplemousse, fruit de la passion et goyave. Le tout, sans ajouter de particules de matière végétale à la bière finie.

Avant d’aller plus loin, clarifions les notions de biotransformation et de thiols.

Qu’est ce que la Biotransformation ?!

La biotransformation est le processus par lequel les composés du houblon sont transformés en d’autres composés aromatiques. Un exemple connu est la transformation du géraniol en citronellol. On ne va pas entrer dans le détail mais cette transformation donne à la bière des arômes puissants d’agrumes et de fruits sucrés.
Maximiser la biotransformation dans les styles orientés vers les aromes fruités est une technique de brassage populaire depuis de nombreuses années. Il y a une raison qui explique le succès des houblons Citra, Cascade, Columbus ou Chinook. Ils sont très riches en composés recherchés pour la biotransformation.

La biotransformation se manifeste de deux façon. La plus courante est celle où un composé aromatique simple est transformé en un autre composé aromatique, comme c’est le cas avec le géraniol et le citronellol. Elle se produit, en général grâce au houblonnage en toute fin d’ébullition, au hop stand et/ou au Dry Hop en fermentation primaire.
La seconde forme de biotransformation se produit lorsqu’un composé aromatique lié est libéré de sa chaine.
C’est précisément ce que va permettre le Mash Hopping. En fait, les composés liés ne sont pas aromatiques (pour la plupart). Ce ne sont que des précurseurs. Ils ne deviennent aromatiques qu’une fois détachés de leurs chaînes. Ces composés transformés très puissants, sont appelés thiols. Et le Mash Hopping vise à les libérer. Sans cette technique, ils restent à l’état de précurseur et ne sont pas exploités 😭.

bio transformation

Je veux en savoir plus sur les Thiols !

Les thiols sont des composés aromatiques puissants. Ils sont constitués d’un atome de soufre lié à un atome d’hydrogène. Leur contribution aromatique importante est bien comprise et étudiée par les viticulteurs depuis des décennies. Pourtant, cela ne fait que quelques années qu’ils ont réellement attiré l’attention des brasseurs.
Les thiols et leurs précurseurs ne représentent qu’un très petit pourcentage de la composition des houblons. Cependant nous avons un seuil sensoriel de détection tellement bas que nous les percevons très facilement. En d’autres termes, cela signifie qu’à des concentrations comptées en ppb (parti par milliards – c’est extrêmement faible), les thiols peuvent avoir un impact énorme sur l’arôme.

Certains houblons comme le Citra ou le Galaxy contiennent des concentrations en Thiols libres largement supérieures à la moyenne. Cela explique leur popularité dans les Hazy IPA. En plus de leurs forts arômes de fruits tropicaux.

Noms de Thiols à coucher dehors :

Si les noms des Thiols que je vais vous présenter sont légèrement… complexes, ce sont ceux que nous retrouvons dans nos IPA favorites. D’ailleurs, ce n’est pas tant leur nom qui nous intéresse mais les arômes qu’ils vont donner à la bière.

  • 4-mercapto-4-methylpentant-2-one (4MMP) = Cassis et fruit de la passion
  • 3-mercaptohexan-1-ol (3MH) = Agrumes, rhubarbe, fruit exotique
  • 3-mercaptohexyl acetate (3MHA) = Fruit de la passion, goyave, fruit tropical
  • 3-Mercapto-octanal (3MO) = Pêches et fruits à noyau
  • 3-Mercapto-4-methylpentan-1-ol (3M4MP) = Rhubarbe et agrumes

Thiols & mash hopping

Thiols libres VS Thiols liés

On l’a vu, les thiols existent sous deux formes principales. Les thiols libres directement perçus par l’analyse sensorielle. Et les thiols liés qui n’ont, sans transformation, aucun impact sur la saveur ou l’arôme.
Entrons très légèrement dans la science dure : Les thiols liés le sont soit à la cystéine, soit au glutathion. Ce sont des acides aminés dont la définition ne nous intéresse pas particulièrement ici. Ce qu’il faut savoir c’est que les thiols liés à la cystéine doivent être convertis par biotransformation avant que leur potentiel aromatique puisse être libéré.

Le houblon n’est pas la seule source de thiols liés. En fait, le malt en possède beaucoup plus. Mais ses thiols sont liés au glutathion et doivent être convertis en thiols liés à la cystéine avant qu’ils ne puissent subir une biotransformation et libérer leur magnifiques arôme fruités. Cette conversion des thiols liés est également ce qui est recherché lors du Mash Hopping. Elle n’est possible qu’en faisant entrer en interaction le malt et le houblon durant l’empatage. Rassurez vous, c’était le point technique le plus compliqué de cet article 😉.

Comment faire un Mash Hopping ? Spoiler : c’est facile…

Même s’il y a beaucoup de science en arrière-plan, le Mash Hopping est aussi simple que son nom l’indique. Basiquement, on met du houblon pendant l’empatage. C’est tout. Le charabia vaguement scientifique employé un peu plus haut n’est là que pour appuyer tous les avantages qu’impliquent cette méthode de houblonnage. Tout ce qu’on veut au fond, c’est faire exploser les arômes et que ce soit bon à la fin ! Alors, entrons dans le vif du sujet et voyons comment procéder.

fin de Mash Hopping

Quelle quantité de houblon faut il pour faire un Mash Hopping ?

La fourchette d’utilisation du houblon pendant le Mash Hopping est large. Elle va de 40g à 150g pour un brassin de 20L. Un consensus semble avoir été trouvé autour de 75/80g (environ 4g/l). N’ayez pas peur de ce chiffre. On verra plus tard que les meilleurs candidats au Mash Hopping ne sont pas ceux auxquels vous pensez.

Cônes ou pellets ?!

Même si les cônes sont mieux adaptés, vous pouvez utiliser les deux formes de houblons.
Si vous choisissez d’utiliser des pellets, je vous conseille de les mettre dans un sac à houblon. Les températures d’empatage ne sont pas assez élevées pour isomériser les acides alpha. Cependant, les pellets ont tendance à se dégrader et il se peut que certaines particules se retrouvent dans le moût pendant l’ébullition. Dans ce cas de figure il pourrait y avoir une certaine amertume non intentionnelle. Elle serait minime ceci dit.
L’utilisation des pellets dans un sac à houblon a un autre avantage. Vous pouvez récupérer le sac pour le réintroduire à l’ébullition. Etant donné que l’isomérisation des acides alpha est impossible à cette étape, tous les houblons conserveront leur potentiel amérisant. Et toutes les conversions nécessaire à la biotransformation se seront déjà produites. Les bons thiols recherchés attendront sagement l’ensemencement.


Les houblons en cône, en revanche, pourront être introduits directement. Leurs particules ne passeront pas dans le moût. De plus, si votre base de grain contient beaucoup de flocons, les cônes feront office de filtre. Ils remplaceront la balle de riz. Si vous ne pourrez pas utiliser le cône pour l’ébullition, votre filtration sera meilleure ainsi que votre efficacité. De plus, le Mash Hopping apportera un beau fruité qui vous permettra de réduire l’utilisation de houblon en dry hop.

Le cas Pliny The Elder

Vous connaissez Pliny the Elder ?! Créée par Vinnie Cilurzo de Russian River Brewing Co. Elle est la mère des IPA modernes. Elle est même considéré comme la meilleure IPA du monde. Que l’on soit d’accord ou pas, on ne pourra jamais lui retirer son statut de classique parmi les classiques aux USA.
Dans les grandes lignes, cette bière clairement orienté West Coast tire à 8%. Sèche, amère et magnifiquement houblonné, Pliny The Elder présente une structure maltée parfaite et des arômes résineux, agrumés et tropicaux. Cela vous semble banal ?! Pourtant cette bière va bientôt fêter ses 25 ans.

pliny the elder

A la toute fin des années 1990 / début 2000, les IPA représentaient un marché de niche. A cette époque, les brasseurs faisaient la course à l’amertume. La volonté générale était de sortir des produits extrêmes. Et Pliny the Elder n’échappe pas à la règle. MAIS ! Là où dans les IPA de cette époque, le malt cara et l’amertume masquaient le potentiel aromatique du houblon, Vinnie a changé la donne. Son but était de faire la part belle aux arômes. Il a été un des premier à drastiquement diminuer le malt cara, booster l’utilisation des sucres fermentescible et faire un double Dry Hop.
Dans les années qui ont suivi, la recette a évolué, le malt cara a été retiré ainsi qu’un des deux Dry Hop. Pourtant, l’expression des houblons n’a pas diminué. Une des raisons ? La maximisation de la biotransformation. Vinnie a été un des premiers brasseurs américain à introduire le Mash Hopping dans son IPA. Et le résultat est là. Environ 10 ans avant l’explosion des IPA ! Pliny the Elder a clairement posé les bases de l’IPA moderne. Et le Mash Hopping y a fortement contribué.

Optimiser son Mash Hopping

Il faut penser le Mash Hopping comme faisant partie d’un tout. Pour tirer le meilleur de vos houblons, il sera intéressant de le coupler avec un bon hop stand et un petit dry hop en fermentation primaire. Ces deux pratiques, favorisent la bio transformation des thiols libres. Ce sera d’ailleurs le sujet d’un futur article 😉. Ajoutez une bonne levure, et, sans mettre plus de 4g/L dans votre DH vous allez faire exploser les aromatiques de vos IPA. Vous n’aurez même pas besoin de faire un deuxième Dry Hop ! Bon après, si vous êtes sous CO2, vous ne craignez pas l’oxydation, alors rien ne vous empêche de le faire pour sortir une magnifique pépite houblonné.

Quels sont les meilleurs houblons pour le Mash Hopping

Je vous avais dit que les meilleurs candidats au Mash Hopping n’étaient probablement pas ceux auxquels vous auriez pensé. Oubliez les houblons américains ! Cela peut paraitre contre intuitif, mais les houblons les plus chargés en Thiols liés sont les Européens. On ne va pas se mentir, ils sont quand même plus économiques ! (Au moment où j’écris ces lignes : 3€36 les 100g de Saaz contre 9€60 l’amarillo 😅)

TOP 7 des meilleurs houblons pour le Mash Hopping :

  1. Saaz
  2. Hallertau Perle
  3. Hallertau Mittelfruh
  4. Hallertau Blanc
  5. Tettnanger
  6. Hersbrucker
  7. Cascade (et oui, n’oublions pas son ascendance européenne Fuggles/Serebrianker)

En soit la plupart des houblons nobles sont d’excellents candidats au Mash Hopping, n’hésitez pas à aller jeter un œil en cliquant sur le bouton juste au dessous.

Bonus : Les meilleures levures pour le Mash Hopping

En soit, n’importe quelle levure produira une biotransformation des thiols. Cependant, les fabricants ont boosté cette capacité sur quelques souches afin d’optimiser toujours plus le potentiel aromatique des bières. Ces souches permettront une meilleure transformation, et donc de meilleurs arômes.
Certaines levures présentées ici n’auront pas forcément une capacité boostée pour la biotransformation. Cependant, elles vont naturellement produire des esters fruités. De plus, leur floculation basse va maintenir en suspension les molécules aromatiques dans la bière. En gros, plus de goût 😉. Voici mon top 5 perso :

  1. Sweet Release Session IPA
  2. Mango Madness
  3. Saturated
  4. Verdant
  5. NEEPAH Blend

Teaser : une recette arrive très vite avec la Hoppin Pils de WHC ! La capacité de biotransformation de cette souche a été largement dopée. Les lagers par leur caractère relativement neutre, sont vraiment intéressantes pour faire la part belle aux arômes houblonnés.

Et vous, avez vous déjà tenté le Mash Hopping ? Dites le nous en commentaire et partagez l’article sur les réseaux !