2023-02-22
Québec bon enseignement
question quand ajouter le 1kg de sucre candi blanc
est-ce bien là d’ajouter ce sucre sur les 15 dernières minutes d’ébullition
grand merci
brasseur amateur travaillant en tourisme
Si brasser une triple n’est pas la première idée qui m’est venu à l’esprit quand j’ai commencé le brassage, c’est en revanche le style qui m’a fait aller vers les bières avec plus de goût que mes habituelles « H » de l’époque. Même si l’offre Craft est bien plus abondante actuellement qu’en 2010, je trouve, encore aujourd’hui, que ce style est un super tremplin pour aller vers le monde de la Craft. Deux parfaites représentantes de ce style sont la Westmalle triple et la Karmeliet qui sont plutôt simples et pas chères à se procurer. En plus de décortiquer ce style plus en détail, je vous proposerai dans cet article une recette type mais aussi quelques pistes pour que vous puissiez composer votre bière personnalisée. Alors lancez vous, brassez votre propre triple !
C’est quoi une triple en Fait ?
En gros c’est une blonde, en forte. Non, sans rire, d’un dorée profond, légèrement troublé ou parfaitement limpide, elle présente de nombreuses fines bulles qui remontent vers le haut du verre pour former une abondante mousse blanche très persistante.
Le degré d’alcool se situe entre 7.5% et 9.5%.
En terme de gout on peut sentir en premier lieu des arômes épicés de levure avec une pointe de banane Haribo ou bubble-gum, le tout porté par le caractère céréalier du malt Pils.
Même si certaines peuvent paraître rondes en texture, les meilleurs exemples ont un final en bouche plutôt sec avec une amertume modérée.
La carbonatation, comme les bulles le laissent deviner, est très forte.
Même si le caractère céréalier du malt est bien présent, le centre de ce style reste les arômes de levure. C’est ce qui fait son identité, le choix de la souche est donc primordial.
Les triples présentent un mélange subtil et complexe d’esters fruités (agrumes, banane, raisin, poire…), de phénols épicés (poivre, clou de girofle) et une chaleur alcoolique modérément présente. Ces arômes sont dus avant tout à la fermentation, pas aux ajouts d’épices. Si certains brasseurs ajoutent de la coriandre, ou des écorces d’orange, et que vous choisissez d’en utiliser, je vous conseillerai de rester très subtil dans votre dosage, ces ajouts ne doivent pas masquer les arômes de fermentation. D’ailleurs je n’en mettrai pas dans la recette que je vous proposerai à la fin de cet article.
Petite parenthèse
Concernant les notes d’alcool : les mauvaises triples présentent un coté très alcooleux qui se transforme presque en arôme vernis à ongles. Si de très légères notes de vernis sont acceptées dans ce style, elles ne doivent pas dominer, il faut donc maîtriser sa fermentation pour éviter la dominance de l’alcool en bouche.
J’ai un peu mis de côté les houblons, c’est normal, car ce n’est pas ce qui domine dans ce style. Pour autant ils ne sont pas à négliger. L’amertume doit se sentir modérément, quant aux arômes, ils doivent s’accorder avec les levures en présentant un côté épicé et légèrement floral. Je vous conseillerai de rester européen dans votre choix de houblon, mais j’en parlerai plus en détail un peu plus loin.
Brassez votre propre triple ! Comment faire ?
La base maltée
Dans une triple, le malt principalement utilisé est le pils. Il va venir apporter les notes céréalières recherchées dans ce style. Je préfère éviter les malts caramel qui pourraient venir troubler cette simplicité et perturber l’équilibre global de la bière. Pour renforcer ce coté céréalier, il est possible d’envisager une pointe de malt biscuit, munich ou vienna, mais pas plus de 3%. Le but est de rester simple. Le coté clean du malt allié aux arômes de fermentation est ce qui doit être recherché.
Personnellement, je préfère ajouter 5 ou 6% de malt de blé et/ou d’avoine qui, moins forts que les malts cités précédemment, vont légèrement renforcer le coté céréalier de la bière et vont surtout venir apporter les protéines nécessaires à la bonne tenue de mousse, caractéristique du style.
Le sucre
Pour faire monter le taux d’alcool sans augmenter le corps de la bière, il est recommandé d’utiliser jusqu’à 15% de sucre candi (le sucre de table fera aussi l’affaire). Ce sucre simple sera totalement assimilable par les levures. Bien que les triples puissent paraitre rondes au premiers abords, le corps est en réalité moyen/fin. La finale plutôt sèche est ce qui est recherché. C’est pourquoi il est recommandé d’ajouter ce sucre sur les 15 dernières minutes d’ébullition, il pourra de cette façon se dissoudre sans apporter trop de couleur à la bière.
Les houblons
Le caractère houblonné des triples est plutôt léger. D’un point de vu aromatique, il doit présenter des notes épicées et florales légères à modérées. Je trouve que les houblons européens comme le Saaz, le Tettnang, le hallertau tradition ou le styrian goldings sont parfaits pour le style.
L’amertume dans la triple est un tout. Elle provient à la fois de l’alcool, des phénols, de la carbonatation et des houblons. L’amertume houblonnée va ici venir contrebalancer les sucres résiduels encore présents pour participer à la sensation de finale sèche. Pour doser la bonne quantité de houblon à utiliser en amérisant un bon ratio IBU/Densité initiale se situera entre 0.2 et 0.5. Personnellement j’aime bien avoir un IBU un poil au dessus des 30. Le hallertau tradition ou le styrian goldings, voir même le magnum si vous la jouez économique, feront parfaitement l’affaire.
L’eau de brassage
Pour jouer sur la sècheresse finale de la bière, j’essaie d’avoir deux fois plus de sulfate que de chlorure dans mon eau. L’amertume du houblon se fera mieux ressentir. Comme dans mon article sur le brassage d’une ESB, je vous conseillerai ce site pour connaître le profil de votre eau : https://www.moneaudebrassage.fr/
Pour le pH on cherche toujours à être dans la tranche 5.2/5.6. Je sais que 8ml d’acide phosphorique ou lactique me suffisent à atteindre cette plage avec l’eau de Montpellier. Encore une fois le mieux est de mettre de l’acide et de mesurer avec un pH mètre en même temps.
Pour ce style je vous recommanderai également d’avoir un pH se rapprochant plutôt des 5.2. En fait, plus le pH est bas, plus il favorise une activité enzymatique qui va transformer l’amidon en sucres simples, c’est une optimisation qui apportera un petit plus sur le corps de votre bière, en tout cas pour une triple.
Les levures
Le cœur de ce style pour brasser votre triple. Une levure POF+ sera évidement préférée. Rassurez vous, ce n’est pas un gros mot, POF+ signifie Phénolic Off-Flavor. Grossièrement ces souches transforment l’acide férulique présent dans le malt en molécule 4-vinyl guaiacol (4-VG). Cette molécule produit beaucoup de phénols responsables de forts arômes épicés, notament de clou de girofle. Cette caractéristique se retrouve dans les levures typées saison, wit ou abbaye.
Qu’elles soient sèches ou liquides (selon votre préférence), plusieurs levures feront très bien l’affaire pour le style. Coté sèches l’Abbaye de Lallemand et la Belgian Abbey M47 de Mangrove Jacks seront parfaites. Pour ceux qui préfèrent les levures liquides, la Belgian Abbey 1214 de Wyeast et la WLP 545 Belgian strong ale de White labs feront très bien le job.
Recette
Volume : 20L IBU : 31 Efficacité : 75% DI : 1.080 DF estimée : 1016 ABV : 8,5%
Ingrédients :
- 5,6kg de malt Pils
- 200g de malt de blé clair
- 200g de malt d’avoine
- 1kg de sucre candi blanc
- 40g de houblon Tradition
- 30g de houblon Saaz
- 2 paquets de levure Abbaye de Lallemand
Pour plus de confort, n’hésitez pas à vous faire concasser vos malts.
Brassez votre propre triple pas à pas
Faites chauffer 20 litres d’eau à 72 degrés et versez y les grains concassés. Remuez bien pour éviter les grumeaux. Faites descendre la température à 65 degrés pour favoriser l’extraction des sucres fermentescibles et maintenez là pendant une heure. En parallèle, faites chauffer 15 litres d’eau de rinçage à 77 degrés. NB : notez que ce volume d’eau de rinçage peut varier selon votre taux d’ébullition. A vous de l’établir en fonction de vos brassins précédents.
Une fois l’heure de saccharification terminée, passez à la filtration et au rinçage.
Mettez ensuite votre moût à chauffer pour procéder à une ébullition de 60 minutes. Mettez 40g de houblon tradition à infuser dès le début du chrono. Si vous utilisez un serpentin refroidisseur, n’oubliez pas de le stériliser dans le moût 15 minutes avant la fin de l’ébullition. A 10 minutes de la fin, mettez les 30g de houblon Saaz.
Refroidissez le moût à 18 degrés, transférez en fermenteur sans oublier la levure. Pour maîtriser la production phénolique de la fermentation commencez à cette température et augmentez tranquillement jusqu’a 21 degrés sur l’espace d’une semaine. Laissez à cette température pour les deux semaines suivantes. Pour être sûr d’avoir terminé la fermentation, montez à 22 degrés les 3 ou 4 derniers jours. Ajoutez 6 à 7g/L de sucre à l’embouteillage.
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