Nous l’avons vu dans notre article précédent, la fermentation sous pression comporte de nombreux avantages. Profil de bière ultra clean, production de lager en un temps record, limitation du risque d’oxydation… Nous n’allons pas vous refaire la liste ici. Il y a cependant une question que nous n’avons pas traitée. Votre fermentation s’est bien passée, la bière est prête, mais que faire maintenant ? Deux choix s’offrent à vous. Premièrement, vous assurez le service directement depuis votre fermenteur. On le verra dans un prochain article, c’est selon nous, la meilleure option. Deuxièmement, vous voulez mettre votre production en bouteille. C’est tout aussi légitime et nous allons voir comment y parvenir grâce à l’embouteillage à contre pression.
Remplisseuse VS Beer Gun, un choix cornélien.
Embouteillage à contre-pression
Certains d’entre vous ont probablement déjà entendu parler de l’embouteillage à contre pression. Il nécessite un peu de matériel, mais sa mise en place n’est pas si difficile.
Les principaux défis de cette méthode sont de conserver les bubulles de la bière et de minimiser son exposition à l’air libre pendant le transfert. Lorsqu’elle est effectuée correctement, la quasi-totalité de la carbonatation sera conservée. De même que le contact avec l’oxygène sera fortement limité grâce à son système de purge au CO2.
Avant de se pencher sur la méthodologie, voyons les avantages et les inconvénients de la mise en bouteille à contre pression.
Avantages de l’embouteillage à contre pression
Lorsque votre fermentation sous pression est terminée, votre bière est prête à être dégustée. En d’autre termes, il n’y a pas besoin d’attendre une refermentation. Une fois dans la bouteille, la bière peut être bue. Cet avantage implique une absence de transfert en seau de resucrage et donc une limitation du contact avec l’oxygène.
Les bouteilles conserveront toute leur clarté lorsque vous les transporterez car elles ne peuvent pas contenir pas de sédiment de levure. Lors de l’embouteillage à contre pression, la bière est tirée depuis le haut du fermenteur, ainsi, aucun résidu de lie n’est transféré.
Si vous voulez participer à un concours ou vous rendre à un bottleshare, vous n’êtes pas obligé de mettre tout votre fermenteur en bouteille. Vous pouvez très bien embouteiller ce dont vous avez besoin et garder le reste en sécurité. Vous vous assurez ainsi de la fraicheur optimale de ce que vous allez faire gouter.
Enfin, si vous faites le service depuis votre fermenteur et qu’il ne reste plus que quelques litres, vous pourrez libérer cet espace de fermentation pour brasser une nouvelle bière.
Inconvénients de l’embouteillage à contre pression
Cette méthode implique un certain coût car elle nécessite un peu de matériel. Une remplisseuse ou un Beer Gun seront les éléments principaux du système. Leur fourchette de prix se situe entre 50€ et 220€. Une bonbonne de CO2 sera également indispensable. Si vous n’en êtes pas déjà équipé, comptez en moyenne entre 60€ et 100€. Sans oublier un détendeur dont les tarifs sont similaires.
L’embouteillage à contre pression demande une température assez basse. Il faudrait normalement pousser la bière à 3°C ou 4°C pour éviter une production de mousse conséquente et minimiser la perte de CO2. Un frigo de fermentation sera donc indispensable.
Si le nettoyage d’un Beer Gun ne pose aucun problème, une remplisseuse contient des espaces difficiles d’accès. Il faudra la faire tremper dans de la soude caustique ou du PBW. Vous pourrez aussi y faire passer du désinfectant à l’intérieur pendant le nettoyage de votre fermenteur. Il vous suffira de raccorder ce dernier à la remplisseuse et au CO2, puis d’ouvrir toutes les vannes.
Mettre en bouteille tout un brassin prend du temps avec cette méthode. Ceci dit, en pratique, assez peu de brasseurs embouteillent la totalité du fermenteur. Et quand bien même vous voudriez tout embouteiller, le temps perdu au jour J sera largement rattrapé par l’absence de refermentation.
Encore une fois, l’idéal avec la fermentation sous pression est le service en direct. Il vaut mieux penser l’embouteillage comme une étape ponctuelle qui servira à prendre quelques bouteilles pour un évènement ou à vider le fermenteur pour brasser une autre bière.
Installer un système de mise en bouteille à contre pression
Pour installer votre système d’embouteillage à contre pression, il faudra d’abord que la bière soit terminée et carbonatée dans un fermenteur préssurisable placé au frigo. Vous aurez ensuite besoin :
Concernant la remplisseuse, nous vous conseillons fortement de remplacer les portes tuyaux par deux embouts droits John Guest 3/8″ vers BSP 1/4″. En plus d’uniformiser votre système en 3/8″, ils permettront d’éviter que le tuyau ne se détache et répande de la bière partout.
Vous pouvez voir ici le remplacement des portes tuyaux par les embouts John Guest.
Nous avons choisi ici de n’utiliser que des tuyaux et raccords John Guest en 3/8″. Nous vous conseillons de faire la même chose.
Pour vous faciliter la tache, nous avons regroupé le matériel nécessaire à l’embouteillage à contre pression :
Le Beer Gun a une prise en main très simple et intuitive, il est facile à nettoyer et permet un embouteillage rapide. Cependant il oblige à travailler à froid (3°C), et n’aime pas les bières trop carbonatées (jusqu’à 2.3 vol.). Aucun bouchon n’est fourni avec. S’il permet de purger la bouteille au CO2, ça n’en fait, techniquement pas, un système à contre pression. Si les conditions de température et de carbonatation ne sont pas respectées, la différence de pression entre le fermenteur et la bouteille va produire beaucoup de mousse.
Ce problème peut être contournable avec l’ajout d’un bouchon en silicone 17-22mm. Il faudra également bricoler dessus une soupape anti surpression. Ceci dit, nous ne vous conseillons pas forcément de vous embêter avec ce bricolage. En pratique purger la bouteille pendant 10-15 secondes et la remplir dans la foulée suffit à protéger la bière de l’oxygène.
Le Beer Gun est idéal pour embouteiller quelques bouteilles pour participer à un concours ou emmener à un évènement par exemple.
Avec cet embout de remplacement, il sera facile de raccorder un tuyau John Guest 3/8″ du Beer Gun au détendeur primaire. Retrouvez le nécessaire dans notre pack.
Pour le Beer Gun de la marque Blichmann, le fonctionnement sera similaire. Seul le raccord vers le CO2 changera, il faudra y mettre un embout union FFL 3/8″.
Remplisseuse
La remplisseuse est plus difficile d’utilisation. Il faudra, notamment, aller très vite pour retirer la bouteille de la tige et encapsuler. Autrement la différence de pression avec l’atmosphère va produire beaucoup de mousse. Cependant, elle est équipée d’un bouchon (+ robinet de purge) qui garanti un remplissage contre-pression total. Cela empêche le contact avec l’oxygène, limite la production de mousse, donne plus de liberté sur le degrés de carbonatation et autorise une plus grande fourchette de température. Elle sera donc plus adaptée à l’embouteillage d’un certain volume de bière.
Retrouvez notre pack d’embouteillage (raccords, tuyaux, détendeur…) pour remplisseuse à contre pression :
Le Beer Gun est beaucoup plus facile d’utilisation mais n’est pas à 100% un système à contre pression. La remplisseuse est un peu plus difficile d’accès sur son maniement mais donne plus de contrôle en permettant de maitriser plus de paramètres. A vous de faire votre choix en fonction de vos préférences !
Installation du système d’embouteillage à contre pression
Dans un premier temps, vérifiez que la sortie CO2 de votre bonbonne est bien fermée. Si vous avez choisi la remplisseuse, assurez vous également de fermer toutes les vannes (robinet de purge sur off et vanne du haut positionnée au milieu).
Raccordez votre bonbonne à l’entrée CO2 de votre fermenteur et à la remplisseuse. Pour cela, l’idéal sera un détendeur primaire à deux sorties. Si votre manomètre n’en a qu’une seule, connectez le simplement à un raccord John Guest en T (3/8″). Il fera la liaison entre les 3 parties.
Raccordez ensuite la sortie bière du fermenteur à la remplisseuse. Voila à quoi devrait ressembler votre système :
Cette photo est démonstrative, pour votre confort, nous vous conseillons une plus grande longueur de tuyau.
Points importants
On le repète, la bière doit être carbonatée et, surtout, froide. Le CO2 se dissout mieux ainsi. En fait, plus la bière se rapprochera de 0°C et mieux ce sera. En pratique vous pouvez embouteiller à température de service (3-4°C pour le Beer Gun et un tout petit peu plus pour la remplisseuse). Si vous ne travaillez pas à froid, le CO2 se dissoudra mal et vous n’aurez que de la mousse en bouteille.
Ce type d’embouteillage va inévitablement causer une petite perte de carbonatation. Nous ne le conseillons pas forcément, mais si vous le souhaitez, vous pouvez compenser en poussant un tout petit peu plus votre carbonatation forcée. N’y allez pas trop fort surtout car si le CO2 s’échappe de la bière au cours du transfert, vous vous exposez à une belle explosion de mousse. Une astuce pour limiter ce risque sera de refroidir les bouteilles à température de service. D’ailleurs, nous ne l’avons pas précisé, mais il faudra nettoyer et désinfecter les bouteilles au préalable, comme avec un embouteillage classique.
Mise en bouteille
Une fois que tous les éléments sont raccordés ensembles, assurez vous que tous les robinets de la remplisseuse sont fermés. Le problème ne se pose pas avec le beer gun.
Pour le Beer Gun aussi, prenez plus de longueur de tuyau que sur notre photo.
Si toutes vos vannes sont bien fermées, vous pouvez ouvrir le gaz sur la bonbonne. Il restera ouvert durant tout l’embouteillage.
Il y a un débat sur la pression à appliquer pour la mise en bouteille. La fourchette varie généralement de 3 à 15 PSI. Vous verrez souvent qu’il faut pousser à la pression de service et ce n’est pas un mauvais conseil. Certains préfèrent se placer une dizaine de PSI au dessus. Selon nous, une pression se situant entre 4 et 8 PSI sera idéale. Libre à vous d’expérimenter. Nous vous conseillons aussi de toujours garder une serviette à portée de main, le risque de débordement n’est jamais bien loin.
Purge et mise en pression de la bouteille :
Avant de transférer la bière en bouteille, il faudra d’abord mettre cette dernière sous pression. Dans un premier temps il faudra chasser l’oxygène. Avec le beer gun, c’est très simple, il suffira de mettre la tige du pistolet jusqu’au fond de la bouteille et appuyer pour envoyer le CO2 pendant une quinzaine de secondes.
Pour la remplisseuse, il faudra positionner la tige dans la bouteille (en laissant 2-3cm de fond) et enfoncer le bouchon au niveau du goulot. Ouvrez ensuite l’arrivée de gaz de la remplisseuse puis le robinet de purge. Il est situé au niveau de la grosse molette noire qui permet de purger en position gaz et régler le débit de liquide en position bière.
La tige est ici un peu haute, en pratique, il faudra l’enfoncer un peu plus.
Une fois le robinet de purge légèrement ouvert, vous entendrez un petit sifflement et la bouteille commencera à se remplir de CO2. Ce gaz étant plus lourd que l’oxygène, il formera une « couverture » au fond de la bouteille qui, lorsqu’elle s’élèvera, expulsera l’air présent par le robinet de purge. Au bout de 10 ou 12 secondes, la bouteille devrait être pleine de CO2 et vidée d’oxygène. Fermez le robinet de purge dans un premier temps, puis l’arrivée de gaz de la remplisseuse. Maintenez-la dans cette position.
Transfert de bière
La deuxième étape de l’embouteillage à contre-pression consistera à remplir la bouteille de bière. Lors du transfert, le remplissage se fait par le bas, sous la couverture de CO2. Cela minimise la formation de mousse et le contact avec le tout petit pourcentage d’oxygène qu’il reste. Et oui, même après une purge rigoureuse, on ne s’en débarrasse jamais à 100%. Rassurez vous, ce ne sera pas préjudiciable car la quantité est infime.
Le principe sera exactement le même qu’à l’étape précédente. Avec le beer gun, rien de plus simple, maintenez la tige au fond de la bouteille, tirez la gâchette pour envoyer la bière et c’est tout.
Pour la remplisseuse, ouvrez d’abord la vanne d’arrivée de bière. Rien ne va couler, c’est normal car en théorie, la pression dans la bouteille est similaire à celle du fermenteur. Pour que la bière s’écoule, il faudra légèrement ouvrir le robinet de purge. La pression dans la bouteille va lentement diminuer et la bière va commencer à couler. Il vous faudra régler la vitesse d’écoulement en fonction de la mousse qui se forme.
Une fois que la bouteille est bien remplie, fermez d’abord le robinet de purge puis l’arrivée de bière.
Info Bonus :
Idéalement, la différence de pression entre le fermenteur et le robinet de purge devrait se situer à 3 PSI. Sous cette condition, la bouteille sera remplie en 10-15 secondes. Malheureusement, nous ne vendons pas encore de remplisseuse avec manomètre. Ceci dit, évaluer cette différence « à l’œil » est assez intuitif. Essayez d’ouvrir le robinet d’arrivée de bière jusqu’à ce qu’elle mousse légèrement, puis refermez le légèrement et essayez de remplir la bouteille en une quinzaine de secondes. Essai et erreur sont les maitres mots de l’embouteillage à contre pression.
Encapsulage
La dernière étape de l’embouteillage à contre-pression sera le capsulage. Il doit être effectué aussi rapidement que possible. Chaque bouteille doit être capsulée juste après son remplissage. Autrement, vous risquez un débordement de mousse, une exposition contre productive à l’oxygène et une perte de carbonatation.
Avant de retirer la remplisseuse, vérifiez que toutes ses vannes sont bien fermés. Assurez vous aussi d’avoir votre capsuleuse à portée de main, ainsi que des capsules désinfectées. Ceci fait, mettez la remplisseuse de côté dans un récipient vide et désinfecté. Placez rapidement une capsule sur la bouteille et sertissez la.
Paradoxalement, un peu de mousse sera une bonne chose. Une fois que vous aurez retiré la remplisseuse de la bouteille, si ce n’est pas déjà arrivé, attendez une ou deux seconde pour que de la mousse déborde légèrement puis capsulez par dessus. En fait, la mousse déplace les gaz et permettra de dégager encore un peu plus l’infime quantité d’oxygène qu’il reste dans la bière.
Si jamais aucune mousse n’est produite (c’est peu probable) c’est aussi bien, on ne s’en plaindra pas !
Avant de conclure
La bière embouteillée à contre-pression peut être servie immédiatement. Si vous la consommez rapidement, vous remarquerez qu’elle n’émet pas le petit « phsst » du gaz qui s’échappe lors de l’ouverture. C’est normal car au départ, la pression dans le headspace est égale à la pression atmosphérique. Avec le temps, le CO2 de la bière se diffuse et pressurise cet espace. En d’autres termes, plus le headspace sera réduit et moins la bière perdra de sa carbonatation.
Conclusion
À première vue, l’embouteillage à contre-pression peut sembler compliqué. Il y a plusieurs vannes à surveiller si vous n’utilisez pas le Beer Gun, pas mal de tuyaux et de raccords qui courent dans tous les sens etc.
Cependant, si vous travaillez à froid, tout ira bien. Une fois que vous aurez intégré toutes les mécaniques de l’embouteillage à contre pression, cette méthode deviendra aussi évidente que la mise en bouteille classique. D’autant que ses avantages sont très intéressants. Une fois qu’elle est carbonatée, gardez à l’esprit qu’il n’y a pas de bière plus fraiche (au sens de sa forme la plus optimale) que celle qui se trouve dans votre fermenteur. L’embouteillage à contre pression, en limitant les mouvements et l’exposition à l’oxygène, permet de préserver cette fraicheur. Les bouteilles étant destinées à être consommées rapidement, vous vous assurez de faire gouter au meilleur de votre production.
Les afficionados de l’embouteillage à contre pression auront remarqué que nous n’avons pas parlé du système Nukatap. C’est normal, nous venons tout juste de le recevoir et nous avons décortiqué la bête juste ici. En attendant, vous venez de lire l’essentiel à savoir sur l’embouteillage à contre pression. Si vous êtes équipés alors lancez vous !
6 commentaire sur « Comment faire un embouteillage à contre pression ? »